Les nouveaux champs des conventions

La créa­tion de Sites et Cités cor­re­spond à l’ambition de reli­er toutes les dimen­sions qui con­stituent aujourd’hui le pat­ri­moine. Des pro­jets de con­nais­sance et de val­ori­sa­tion des pat­ri­moines aux pro­jets de pro­tec­tion et de requal­i­fi­ca­tion urbaine et paysagère, les villes et ter­ri­toires créent de nou­velles approches et pro­posent des actions plus trans­ver­sales, plus inno­vantes. Le tra­vail de notre réseau con­siste à artic­uler les enjeux des poli­tiques pat­ri­mo­ni­ales, enjeux trop sou­vent traités de manière sectorielle.

Si l’architecture et le pat­ri­moine, enten­dus comme dis­ci­plines ou spé­cial­ités, représen­tent encore le socle de réflex­ion pour les ser­vices des Villes et Pays d’art et d’histoire, celui-ci est aujourd’hui en lien avec de nom­breuses autres dis­ci­plines : l’urbanisme, l’anthropologie, l’environnement, le paysage, la créa­tion artis­tique. Cet ensem­ble est lui-même réin­ter­prété par les modes de con­nais­sance et de représen­ta­tion issus des nou­velles tech­nolo­gies et l’innovation dans les secteurs d’information et de communication.

Cette diver­si­fi­ca­tion est un défi pour les ser­vices des Villes et Pays d’art et d’histoire qui n’ont pas tous été con­sti­tués dans cette per­spec­tive qui demande à la fois de mul­ti­ples com­pé­tences mais aus­si la capac­ité de fédér­er et d’animer un réseau de ser­vices et de professionnels.

Sites et Cités a mis en place une série de groupes de tra­vail et de journées répon­dant à cette ambi­tion entre urban­isme pat­ri­mo­ni­al et val­ori­sa­tion de la ville et du ter­ri­toire autour de thèmes fédéra­teurs : con­nais­sance et inven­taire des pat­ri­moines, les paysages, les méth­odes d’analyse des espaces protégés…

Dans cha­cun de ces domaines il faut insis­ter sur la recherche sci­en­tifique qui joue un rôle indis­pens­able. Ces travaux sont à la source de tout pro­jet. L’animation des pat­ri­moines doit impli­quer l’ensemble des spé­cial­istes pour con­stru­ire une per­spec­tive com­mune qui per­me­t­tent la con­sti­tu­tion d’un mes­sage acces­si­ble à tous les publics. A ce titre, les chantiers d’archéologie, ceux de réha­bil­i­ta­tion ou de restau­ra­tion, les amé­nage­ments tech­niques des édi­fices ou des espaces publics sont des occa­sions priv­ilégiées pour abor­der de façon active la com­plé­men­tar­ité des dis­ci­plines engagées pour le patrimoine.

Sites et Cités tra­vaille sur l’évolution du label, des con­ven­tions mais aus­si sur la place des ser­vices Villes et Pays d’art et d’histoire afin de les situer de plus en plus dans la per­spec­tive d’un pro­jet glob­al et transversal.

L’urbanisme pat­ri­mo­ni­al

Sur le ter­rain, le lien entre le label Villes et Pays d’art et d’histoire et l’urbanisme, pat­ri­mo­ni­al notam­ment, est en con­stante pro­gres­sion. 75 % des villes ayant un site pat­ri­mo­ni­al remar­quable sont label­lisées Villes d’art et d’histoire. De la même façon, la plu­part des Pays d’art et d’histoire en sont dotés. C’est dire la com­plé­men­tar­ité entre un instru­ment régle­men­taire des­tiné à la pro­tec­tion et à la mise en valeur de l’architecture et du pat­ri­moine, d’une part, et un out­il de pro­mo­tion cul­turelle per­me­t­tant une con­nais­sance partagée du pat­ri­moine et son appro­pri­a­tion par les citoyens, d’autre part.

Le label Villes et Pays d’art et d’histoire per­met de créer une passerelle essen­tielle entre habi­tants, pro­prié­taires, opéra­teurs immo­biliers et représen­tants de l’État. Il sen­si­bilise la pop­u­la­tion aux ambi­tions des out­ils d’urbanisme pat­ri­mo­ni­al et aux pré­con­i­sa­tions de travaux. Il facilite égale­ment les échanges entre les dif­férents acteurs de la pro­tec­tion et de la mise en valeur des patrimoines.

Au quo­ti­di­en, les actions menées dans le cadre de la con­ven­tion par­ticipent à la réac­tu­al­i­sa­tion de notre vision de l’ar­chi­tec­ture, du paysage et de l’ur­ban­isme. Il s’agit de porter un autre regard sur les pat­ri­moines d’une Ville ou d’un Pays pour y impulser une nou­velle dynamique dont les habi­tants devi­en­nent les acteurs con­scients des enjeux et des besoins.

Cette inter­ac­tion entre pat­ri­moine et urban­isme est d’autant plus indis­pens­able que le développe­ment de l’intercommunalité, des­tinée à devenir le cadre de droit com­mun des poli­tiques d’urbanisme, pose d’une manière nou­velle les rela­tions entre cen­tre et périphérie, his­toire urbaine et nou­veaux pro­jets d’aménagements.

Les nou­veaux patrimoines

L‘étude sur les Pays d’art et d’histoire ini­tiée en 2015 a per­mis d’évaluer com­bi­en les thèmes de la val­ori­sa­tion s’étaient ouverts à des domaines encore mar­gin­aux il y a une dizaine d’années.

Rien de sur­prenant à ce que le paysage fig­ure en tête des nou­veaux thèmes omniprésents dans les Pays d’art et d’histoire mais ce sujet est aus­si large­ment débat­tu et présen­té dans le cadre urbain et péri-urbain. Com­ment com­pren­dre les cen­tres anciens sans mesur­er l’impact de l’étalement urbain, et des quartiers périphériques du XXème siè­cle ? Ces exten­sions con­sid­érables engen­drent à la fois de nou­velles appréhen­sions des sites, mais aus­si de nou­velles décou­vertes de l’implantation humaine provo­quant sou­vent des fouilles archéologiques et l’identification d’occupations oubliées. Les Pays d’art et d’histoire de la Région de Gueb­willer ou de Saint-Flour-Marg­eride se sont engagés dans la démarche des lec­tures de paysages avec les habi­tants. Les réflex­ions de réim­plan­ta­tion du végé­tal dans la ville, la recon­quête des quais, l’amélioration des entrées de grandes ou petites villes rejoignent l’enjeu du tra­vail paysager. Sites et Cités répond à l’ensemble de ces prob­lé­ma­tiques en ani­mant plusieurs groupes de tra­vail sur ces thèmes. La créa­tion paysagère de l’entrée de ville de Saint-Paul de La Réu­nion a per­mis à la ville de rem­porter le grand prix nation­al du Paysage en 2016.

Le pat­ri­moine immatériel est inté­gré aux démarch­es de val­ori­sa­tion, et tout autant à celles d’interprétation, des pat­ri­moines. Il est pos­si­ble de dis­tinguer ce qui relève des recherch­es liées à la mémoire et au témoignage de ce qui est plus spé­ci­fique­ment attaché aux arts et tra­di­tions pop­u­laires désor­mais recon­nus comme valeur universelle.

Le pre­mier ver­sant a été mis en valeur par des ate­liers mémoire comme ceux des « chantiers du quo­ti­di­en » à Figeac ou les recueils de témoignages sur un quarti­er ou un ilot, traités sous la forme orig­i­nale de cartes de Gul­liv­er à Per­pig­nan, ou encore celui d’un inven­taire par­tic­i­patif dans le Pays des Estu­aires Maroni-Mana en Guyane. Le sec­ond, passe par la recon­nais­sance de man­i­fes­ta­tions ou de savoirs faire. La Fête de l’Ours dans les Val­lées cata­lanes du Tech et du Ter ou l’exploitation viti­cole en Cham­pagne ou Bour­gogne représen­tent des ensem­bles sig­ni­fi­cat­ifs mêlant des savoirs, des lieux, des fêtes, des rites et des outils.

Dans les Villes comme dans les Pays d’art et d’histoire, cette dimen­sion est un excel­lent levi­er d’appropriation du pat­ri­moine par les pop­u­la­tions locales, accor­dant à leurs pra­tiques et leurs his­toires les plus quo­ti­di­ennes une valeur équiv­a­lente aux objets ou aux arts issus de savoirs plus com­plex­es ou plus sophistiqués.

Dans le domaine de la mémoire, l’image a toute sa place et les œuvres pho­tographiques sont passées d’un statut tes­ti­mo­ni­al à une véri­ta­ble valeur pat­ri­mo­ni­ale en tant que telle. On ne compte plus les fonds pho­tographiques privés décou­verts et mis en valeur dans les villes et les ter­ri­toires, comme à Men­ton ou Bas­tia, ceux d’entreprises ou de fab­riques comme à Boulogne-Bil­lan­court ou dans le Châteller­au­dais. Ces tech­niques pho­tographiques ont de plus été inté­grées comme out­ils de sen­si­bil­i­sa­tion des publics ou de par­tic­i­pa­tion citoyenne, con­tribuant à renou­vel­er la per­cep­tion des archi­tec­tures et des espaces. Basés sur la pho­togra­phie com­par­a­tive des obser­va­toires du paysage sont apparus dans les villes comme dans les ter­ri­toires, ressources indis­pens­ables pour la com­préhen­sion des évo­lu­tions de nos villes et de nos campagnes.

Enfin, la créa­tion con­tem­po­raine s’est intro­duite dans la nomen­cla­ture pat­ri­mo­ni­ale par au moins deux voies : celle de la com­mande publique accor­dant une valeur immé­di­ate­ment com­mé­mora­tive à une œuvre et celle du métis­sage entre pat­ri­moines et créa­tions comme on peut le voir dans cer­taines restau­ra­tions ou dans des œuvres mixtes mêlant matéri­aux de récupéra­tion et démarch­es plas­ti­ci­ennes. Les murs peints à Angoulême présen­tés lors des vis­ites guidées, l’interprétation artis­tique de la « part des anges » dans les caves de Cognac ini­tiée par le ser­vice Ville d’art et d’histoire, innovent cette « con­cor­dance des temps » qui fait de l’espace pat­ri­mo­ni­al un lieu de ren­con­tres et de con­fronta­tions entre his­toire et imaginaire.