Retour sur la matinée : 40 ans du label « Villes et Pays d’art et d’histoire »
Le 5 juin 2025, à l’occasion des 40 ans du label « Villes et Pays d’art et d’histoire », le Congrès organisé par Sites & Cités remarquables a réuni à l’Institut du monde arabe à Paris des représentants de l’État, des élus et des professionnels, pour dresser le bilan de cet outil et en dessiner les orientations.
Deux tables-rondes ont ponctué la matinée : la première proposait un retour d’expériences sur les 40 années d’existence du label ; la seconde s’est attachée à explorer ses ambitions et perspectives. Ces temps d’échanges ont permis de rappeler combien ce label peut être un levier de revitalisation urbaine, de développement local et d’appropriation citoyenne.
Première table-ronde : les patrimoines au service du projet de territoire
Une évolution des champs du label
Michel Bouvard, membre fondateur de Sites & Cités remarquables et ancien parlementaire, a rappelé les grandes étapes de son histoire : de l’appellation « Villes d’art » en 1965 à la création des « Villes et Pays d’art et d’histoire » en 1985, son transfert de la Caisse nationale des Monuments historiques et des Sites – aujourd’hui Centre des Monuments nationaux – au Ministère de la Culture en 1995, la structuration par la circulaire de 2008, et enfin, la déconcentration mise en œuvre en 2020.
Quarante ans d’un label centré sur la sensibilisation des publics au patrimoine et au cadre de vie, tout en intégrant dès l’origine les enjeux du tourisme et de l’urbanisme. Michel Bouvard a insisté sur ce lien entre sensibilisation et politique locale : les collectivités les plus investies dans la préservation et la valorisation du patrimoine sont celles qui mènent une politique active de sensibilisation. En somme, plus les citoyens s’approprient leur patrimoine, plus il devient légitime de financer une politique ambitieuse en faveur des centres anciens.
Il a souligné la nécessité pour le ministère de la Culture de demeurer garant de cette politique nationale, alors que la « régionalisation » engagée depuis cinq ans a entraîné des disparités territoriales notables et une perte de lisibilité et de l’unité nationale du label.
Des collectivités engagées pour le label
Des témoignages de territoires labellisés ont illustré ces dynamiques.
Jean-Benoît Cerino, adjoint au maire de Chambéry, l’une des premières villes labellisées en 1985, a présenté les nombreuses actions menées pour valoriser les patrimoines, portées par les équipes du label et le tissu associatif. Le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP), situé en centre-ville, y joue un rôle clé dans la sensibilisation aux patrimoines et aux différentes réglementations du centre ancien.
Même ancrage territorial pour Saint-Flour Communauté, représentée par Sophie Bénézit, vice-présidente en charge de la culture et du patrimoine, et Sandrine Daureil, responsable du Pays d’art et d’histoire. Depuis vingt ans, le label a permis de structurer une politique culturelle ambitieuse sur les 53 communes du territoire, en créant une équipe dédiée et en favorisant les coopérations interservices. La Maison du patrimoine et de l’habitat incarne cette transversalité en étant un lieu ressources pour les habitants : un espace unique où coexistent CIAP, service de l’urbanisme, office de tourisme et permanences de l’Architecte des Bâtiments de France.
Un regard national et régional du Ministère de la Culture
Jean-Michel Knop, Directeur régional des affaires culturelles de Normandie a dressé un tableau très positif du label en Normandie, soulignant la richesse des expériences locales dans les 9 territoires labellisés. Il a mis en exergue l’enjeu d’une meilleure coordination entre État et collectivités, notamment en Outre-mer, où le label constitue un signal fort de reconnaissance nationale, soulevant ainsi l’importance de l’adaptation des outils du label à la diversité des contextes territoriaux.
Isabelle Bottreau, chargée de mission territorialisation de l’architecture au ministère de la Culture, a présenté les résultats de l’enquête nationale réalisée dans le cadre de la refonte du label. Cette étude met en évidence une programmation centrée sur l’éducation artistique et culturelle, le tourisme, l’urbanisme, ainsi que, dans une moindre mesure, sur la cohésion sociale et la transition écologique. Chaque Ville et Pays d’art et d’histoire repose sur une équipe d’environ 2,3 ETP, et accueille en moyenne 16 217 visiteurs individuels par an, soit près de 3,5 millions de personnes touchées dans les 210 territoires labellisés.
Deuxième table-ronde : ambitions et perspectives du label
Vers une nouvelle dynamique du label
Hélène Fernandez, adjointe au directeur général des patrimoines au ministère de la Culture, a dévoilé les principales évolutions contenues dans le projet de circulaire : suppression du seuil démographique minimum pour candidater, redéfinition des missions des chefs de projet, meilleure prise en compte des enjeux contemporains tels que l’écologie, l’innovation et la participation citoyenne.
Marylise Ortiz, experte pour Sites & Cités remarquables, a salué cette refonte en mettant l’accent sur la nécessité d’affirmer une vision globale du territoire, de consolider la transversalité du label et de maintenir le Conseil national. Elle a également proposé d’utiliser les commissions locales des sites patrimoniaux remarquables comme instance d’échanges autour du label.
S’est est suivi un débat, autour de trois thématiques principales.
Gouvernance et missions
Medhy Zeghouf, vice-président de Grand Paris Sud, et Vincent Chauvet, maire d’Autun, ont rappelé que le label est un levier stratégique pour les politiques publiques locales, même dans les villes petites et moyennes, à condition de disposer de moyens suffisants. Emmanuel Mary, chef de projet Ville d’art et d’histoire à Saint-Nazaire, a souligné l’intérêt d’un ancrage fort au sein de la collectivité, en lien direct avec les différents services. Martin Malvy, Président d’honneur de Sites & Cités, a insisté sur le lien étroit entre patrimoine et tourisme, au cœur des enjeux des territoires labellisés.
Outils et moyens humains
Aurélie Robles, cheffe de projet pour le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte Verdon, est intervenue sur l’importance des CIAP, qui incarnent concrètement l’action du label dans les territoires. Elle a alerté sur la difficulté à recruter chefs de projet, médiateurs et guides-conférenciers, notamment en milieu rural. Medhy Zeghouf a appelé quant à lui à une meilleure intégration de l’architecture contemporaine, et Marylise Ortiz a encouragé l’innovation pour faire du label un véritable laboratoire d’expérimentations dans les territoire. À Saint-Nazaire, Emmanuel Mary a notamment souligné la manière dont le label favorise des formes concrètes d’implication citoyenne.
Accompagnement de l’État et dynamique de réseau
Tous les intervenants ont exprimé le besoin d’un accompagnement renforcé de l’État : simplification des procédures, soutien en ingénierie, moyens financiers accrus et équilibrés selon les territoires, meilleure reconnaissance des postes de chefs de projet et guides-conférenciers. L’amélioration du réseau national et de la stratégie de communication portée par le ministère de la Culture a également été soulignée comme une priorité essentielle pour renforcer la visibilité et la cohérence du label.
Ces échanges ont montré que le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » conserve toute sa pertinence, à condition d’être adapté aux réalités locales et soutenu à l’échelle nationale. En fédérant élus, professionnels et habitants autour d’un projet de territoire, il reste un outil essentiel pour valoriser l’ensemble des patrimoines et impulser des projets ambitieux à l’échelle locale.

Retour sur l’après-midi : Reconquérir les logements vacants et dégradés de longue durée
En guise d’introduction du Congrès national 2025, Martin Malvy a rappelé l’ampleur du phénomène de la vacance du logement qui touche tout le territoire et plus significativement les Sites Patrimoniaux Remarquables, dont le taux de logements vacants atteint 16 %, quand la moyenne nationale est à 8,2 %.
En augmentation de 60 % depuis 1990, la France compte désormais 3,7 millions de logements vacants dans le parc privé, dont 1,2 millions vacants depuis plus de deux ans.
Il a souligné la multiplicité des enjeux auxquels la remobilisation de ce parc existant répond, au carrefour des politiques publiques de l’habitat privé et de l’aménagement : Les besoins en logements, en proposant une offre par recyclage de l’existant plutôt qu’en construction neuve par artificialisation des sols, la sobriété foncière (ZAN), la revitalisation des centralités, la préservation du patrimoine, l’amélioration du bâti et la lutte contre l’habitat indigne.
« La France est dotée d’outils remarquables, mais les moyens financiers doivent être réorientés »
Martin Malvy
La stratégie de reconquête des logements vacants était au cœur des débats de la première table ronde :
- Peggy MERTINY, Cheffe de projet lutte contre la vacance de logements à la DHUP au Ministère de la Transition Écologique a décrit le phénomène de la vacance comme un symptôme des dysfonctionnements du marché immobilier, en distinguant clairement la vacance de courte durée, dite frictionnelle (utile au bon fonctionnement du marché) et la vacance de longue durée, dite structurelle, qu’il faut traiter d’urgence. Elle a ensuite détaillé les déterminants de cette vacance et les outils mis en place dans le cadre du Plan national de lutte contre le logement vacant, tels que les fichiers LOVAC et la plateforme Zéro Logement Vacant.
- Suzanne BROLLY, Adjointe à la maire de Strasbourg en charge de la Ville résiliente et Présidente d’Agir contre le logement vacant, a illustré les outils déployés à Strasbourg et relayé avec grande conviction le plaidoyer porté par l’association pour des moyens en adéquation aux enjeux et aux réalités opérationnelles. Elle a également souligné l’importance de la stabilité des dispositifs et des financements, tels que Ma Prime Renov’.
- Anthony KOENIG, Directeur Cœur de Ville, Patrimoine et Paysage de la Ville de Chaumont, a partagé avec beaucoup d’humour son expérience dans des territoires en forte déprise démographique, qui démontre qu’une approche multi-leviers et par l’exemple, peut porter ses fruits.
- Marylise LAVRARD, 1ère adjointe au maire de Châtellerault, en charge de l’urbanisme et du patrimoine a fait état des difficultés persistantes à traiter l’habitat dégradé et/ou vacant malgré le panel d’outils existants en plaidant pour leur adaptation aux enjeux locaux.
- Jean-Sébastien ORCIBAL, maire de Villefranche-de-Rouergue a détaillé comment l’élaboration du PSMV s’est faite dans un objectif global d’amélioration du cadre de vie et de l’habitabilité de la bastide, par la protection d’un certain nombre d’invariants et la nécessaire aération du tissu.
- Dominique CONSILLE, Directrice des programmes Action Cœur de ville et Petites villes de demain, à l’agence nationale de la Cohésion des territoires a rappelé le rôle essentiel de ces dispositifs pour la revitalisation des centres anciens, en termes de soutien en ingénierie aux collectivités et en financement en lien avec la Banque des Territoires et Action Logement.
- Bastien LAINÉ, Expert quartiers anciens et ruralités à l’agence nationale de l’habitat a évoqué l’équilibre nécessaire entre patrimoine, logement et attractivité du territoire, tout en pensant offre et acteurs. Le rôle d’accompagnement de l’Anah auprès des collectivités pour se saisir des différents outils a également été rappelé.
La deuxième table ronde a donné la parole aux opérateurs qui accompagnent les collectivités dans la lutte contre la vacance structurelle, quand l’initiative privée ne suffit plus et que la maîtrise publique est nécessaire.
- Sophie LAFENETRE, Directrice générale de l’Etablissement Public Foncier d’Occitanie, a présenté plusieurs exemples de montages opérationnels qui démontrent la nécessité de s’adapter à des écosystèmes différents (l‘EPF Occitanie intervient sur 13 départements) et qu’un même montage n’est pas forcément mis en œuvre de la même manière selon les enjeux et les acteurs impliqués.
- Didier LE BOUGEANT, adjoint au commerce, à l’artisanat et au centre-ville de Rennes et Mélanie BARCHINO, Directrice de projets centre ancien de Rennes pour la Société Publique Local d’aménagement Territoires Publics ont illustré l’intervention de la SPL au travers de trois concessions successives dans un objectif de réhabiliter 150 immeubles tous les 7 ans (dont 90 % sont en copropriétés). À Rennes, ville soumise à une forte pression foncière, le problème de la vacance glisse vers le mal-logement. Au regard des gros enjeux de dégradation du centre ancien, Rennes Métropole et l’Anah ont mis en place des financements conséquents pour la réalisation de diagnostics complets et de travaux via des actions incitatives et coercitives.
- Caroline RANDELLI-GRANIER, Référente Quartiers anciens d’Urbanis et Directrice d’Urbanis Aménagement a apporté le témoignage d’un opérateur qui intervient en conseil et en animation à l’échelle nationale. Elle a confirmé le caractère polymorphe de la vacance, qui touche à la lutte contre l’habitat indigne, la précarité énergétique, la restructuration… Elle a également souligné l’importance de poser le bon diagnostic et de saisir l’opportunité des acquisitions publiques pour agir en cohérence avec la politique locale en matière de logement, tout en cherchant à développer de nouveaux modèles économiques.
- Bruno MARTY, maire de La Réole et Sigrid MONNIER, directrice générale de Gironde Habitat, bailleur social, ont présenté un projet de logements participatifs locatif en plein cœur de bourg sur un foncier communal : une opportunité pour le binôme d’innover et de construire une méthodologie d’intervention en site très contraint, au bénéfice d’un projet ambitieux.
- Frédéric GIBERT, Responsable du programme Action Cœur de Ville et du plan commerce à la Banque des Territoires, a conclu la table ronde en évoquant les différents modes d’intervention de la Banque des territoires en faveur de la revitalisation des centres anciens et en citant quelques exemples de transformation d’équipements en logements à Albi, Montpellier, Châteauroux… par des investisseurs privés ou publics. Il a précisé que la Banque des territoires contribue à structurer les outils d’intervention, soutient aussi l’ingénierie dans le cadre du dispositif Action Cœur de Ville et peut financer des actions plus spécifiques, telle que l’assistance d’un architecte du patrimoine aux services instructeurs de la ville d’Angoulême, par exemple.
Florence Sirot, Directrice de Sites & Cités, a conclu ces deux tables rondes du Congrès national 2025 en rappelant les différents leviers évoqués par les intervenants, qui viennent compléter les propositions des groupes de travail Sites & Cités. Ces propositions feront l’objet d’un plan d’actions qui sera finalisé dans les prochains mois.
VOTRE OPINION COMPTE
Dans une démarche d’amélioration continue, nous vous invitons à remplir notre questionnaire de satisfaction. Quelques minutes suffisent à le compléter et votre contribution nous sera très précieuse.